Millevents

Par Michelle Goriou Barany 

Tu l'appelais Millevents
La maison sur la colline
Que menaçaient les grands vents,
D'où j'interrogeais, gamine, 
Les lueurs vespérales au couchant.

Vestale en erreur, c'est du levant
Que montaient les augures !

Souviens-toi, grand-mère, la véranda y donnait.
Toutes deux assises là, un été,
Nous écoutions le chant double-croche
D'un coucou caché
Qui, dans le bois,
S'interpellait.

La garenne et les champs 
Que longeait un sentier, 
Bordé d'aubépines et de noisetiers
Brodé d'églantines, de fleurs de bleuets
Dévalaient vers Lac Blanc, vers les hauts peupliers
Imitant sur ses bords les grands mâts de voiliers.

Soudain un grondement
Avertissement sourd,
La vague menace dans ce jour trop lourd
D'un géant qu'on agace, troubla la pesanteur.
Sous peu, dans l'espace assombri, des lueurs
Fauves, diaboliques, jetèrent l'effroi

Et la voix mécanique 
Se tint coi.
Le vent s'éveilla. Son entourage frissonna.
Il se leva, puis sans plus d'apprêts, 
Balaya les marches du perron
S'engouffra sous la voûte des branches du jardin,
Attaqua la toiture de la maison
Déferla en rafales sur le chemin
Transformant sur sa route poussières en tourbillons.

Un ciel d'acier forma étau avec la terre.
Des nuages affolés se pressèrent menaçants
En bas, sur la colline que surplombait la véranda.
Les fouets de la foudre, les poudres du tonnerre
Claquèrent et craquèrent et éclatèrent encore
Des éclairs tout-puissants désignèrent de leur or
Ces arènes de feu.

-- Regarde-moi ça, dis-tu, hochant la tête,
 Mais regarde un peu ! 
J'agrippai ton bras. --C'est un sort qu'on y jette ! 
Toi, la voix sage sinon sure, répondis--Non.
 C'est un chantier de la nature... 
 Ce sont les forges de Vulcain.
 Viens à l'abri dans la maison. 

Mais le vent déjà s'y faufilait dans l'ombre.

Bien qu'une pluie de plomb tombât alors en trombe
Rentrer me semblait vain.

 

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Background photo:  Benjamin J. Robbins