Hommage pour
ma mere, Madame Eugenie Paulin, decedée le 12 octobre, 1997
Lameque, Nouveau Brunswick
par MARIE ALFREDINE CORMIER
Mes freres, mes sœurs, la parente, les amis—bonjour.
En passant aux douanes en m’en venant samedi, la douanniere
m’a pose les questions d’usage : Quel est ton nom, ou
demeures-tu, ou t’en vas-tu, quelle est la raison pour ton
voyage au Canada. Et je lui ai dit : Ma mere est mourante.
Cette douanniere était une femme d’un certain age, une dame
sympathique. Elle me demande tendrement « Et qu’est-ce qui
t’enleve ta maman aujourd’hui »? J’ai dit « La vie ».
Elle m’a dit quelques mots doux et m’a laisse passer.
Et plus loin en chemin, quand j’ai pense a ca je me suis
dit non c’est pas vrai, je me suis trompee. C’est pas la
vie qui nous enleve Memie aujourd’hui, c’est simplement les
annees. Elle en a quand meme vecu 93. C’est pas la vie qui
nous l’enleve parce que la vie n’a jamais ereinte Memie. La
vie Memie l’a savouree, elle l’a surmontee, elle l’a
apprivoisee, et elle l’a vecu a plein. Et elle l’a bien
vecue.
Elle a eleve une grande famille dans la pauvrete, parfois
dans la misere. Mais elle n’a jamais perdu son sens de
l’humour. Son besoin de chanter. J’ai vu Memie chanter du
clos d’en haut jusqu'à la cote, du jardin jusqu'à la
grange, de la maison jusqu'à chez Jos. Je crois que chanter
était une therapie pour Memie.
Elle a subit de grandes epreuves. Elle a perdu trois de ses
fils. Sylvain et Theogene en bas age, et Edouard a 38 ans.
Mais sa foi n’a jamaisbranle. Elle se disait et nous disait
: C’est la volonte du bon Dieu. C’est bien vivre sa foi,
ca, c’est bien vivre sa vie.
Malgre sa pauvrete, elle a su faire la charite aux plus
pauvres qu’elle-meme. Je l’ai vue defaire des vieux capots
pour faire des manteaux a sa filleule qui était encore plus
pauvre que nous.
Elle a fait du benevolat pour l’eglise, les ecoles, pour
plusieurs organismes qui avaient besoin de son aide. Et
elle s’y donnait a cœur joie sans compter les heures ni les
efforts qu’on lui demandait. Elle partageait sa vie avec
les autres. C’est bien vivre une vie, ca.
Memie fait partie d’une generation de femmes tresors. Ces
belles acadiennes, vaillantes, croyantes, braves,
genereuses—des dames de coeur. Vous en avez tous dans vos
vies des femmes comme ca. Des mamans, des grandmamans, des
tantes. Moi je peux vous en nommer a pleine goulee des
femmes de ce calibre-la. Des Maria, des Elianne, des
Lucille, des Germaine, des Bella, des Josephine.
Y’en font pus des femmes comme ca. Y’en font pus. Et quand
elles nous laissent comme ca une a une, l’Acadie a mal et
nos vies sont diminuees.
C’est normal qu’on les pleure parce que c’est triste de
perdre des grands tresors comme ca. C’est normal qu’on les
venere, qu’on les celebre, qu’on les vante. On a tout le
droit de les vanter.
Et c’est normal qu’on les applaudisse. C’est ca que j’ai
envie de faire avec vous, c’est les applaudir, nos femmes
tresors. (applaudissement)
Et leur dire bravo, bravo, mesdames.
Et bravo, Memie, chere. Vous avez bien vecu votre vie. Et
merci, Memie.
--Marie Cormier